Najib BENSBIA, 13/11/2002
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La volonté manifeste de détruire l’Irak, la hantise américaine de voir Israël gêné par une force régionale arabe, le mépris de l’identité, de la culture et de la civilisation musulmanes, dont l’Irak se voulait le porte flambeau, ont dérangé l’ego yankee et ont fait oublier à la Communauté internationale son devoir de neutralité en matière de politique intérieure des États. Quant au devoir d’Humanité, l’ONU regarde, timide, le destruction en masse d’une nation entière sous prétexte de résolutions dites ''pertinentes'' du Conseil de sécurité.
Ces résolutions, si elles ont constitué, au tout début de la crise, un facteur de mobilisation internationale contre l’invasion du Koweït, elles sont aujourd’hui érigées en véritable arme de mise à mort de l’Irak, État, peuple et civilisation. Il ne s’agit plus de justice internationale, mais de crime contre l’Humanité dont les USA portent la responsabilité première.
Si des pays européens, comme la France, suivent cette logique répressive, ils le font parce que, de par les rapports de force internationaux actuels, ils ne peuvent aller contre. Mais, leur devoir d’Humanité les accule à ne pas (à ne plus) cautionner le meurtre. L’Irak, en tant qu’État, n’a plus les moyens militaires d’antan. Et il se passera beaucoup de temps, bien du temps, avant qu’il ne puisse prétendre à reconstruire ses forces armées militaires et logistiques.
Dans l’enceinte de cette ONU, qui a l’indécence de parler humanité, personne aujourd’hui ne semble être en mesure de dire la vérité à l’Américain en exhibition de puissance, désinvolte et arrogant. Cette vérité est qu’il est temps de dire ‘’cela suffit’’ ! L’Irak n’est plus un État au sens du droit international. L’ONU a dilapidé tout ce qui faisait de l’Irak une entité organisée.
N’est-ce pas là un autre défi au simple bon sens que l’Humanité regarde avec compassion. Incapable de dire sa vérité à l’Américain, cette Humanité piétine dans le jargon de la diplomatie crétine. La France, qui veut bien se décaler par rapport à la politique actuelle des USA en Irak, ne peut réellement et sur le terrain agir. Elle parle en langage à décoder. La diplomatie française veut s’autodéterminer par rapport à l’engrenage guerrier qui fait vibrer les Américains dans le Golfe. Elle se dit ne plus être favorable aux bombardements de l’Irak (crise de février 1998 et attaque de décembre de la même année), tout en avouant que les attaques armées contre l’Irak restent ‘’inévitables’’ mais ‘’pas nécessaires’’.
Face à ces galimatias, les USA ricanent. Ils sont là pour que l’ONU agisse selon leur bon plaisir. Et ils le font depuis le 2 août 1990. La France a beau jeu de ruer dans les brancards. Elle fait pâle figure. Tout comme l’Europe entière.
Alors, nous interrogerons-nous, ‘’obnubilée par le Président Saddam Hussein, la politique occidentale ne passe-t-elle pas à côté des vrais dangers qui pèsent sur la région: son éclatement et sa fragmentation (le cas de l’Irak actuel) ? (..) Aucun des États nés après la fin de la première guerre mondiale au Proche-Orient n’est solide. Chacun est traversé par des fractions religieuses, sociales ou ethniques, avivées par la crise économique et par l’autoritarisme politique. À force de vouloir se débarrasser à n’importe quel prix de Saddam Hussein, on risque de briser l’État irakien (si ce n’est déjà fait). On verra alors le pays devenir le champ clos d’affrontements qui impliqueront, par la force des choses, la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite et Israël (c’est déjà fait). À l’avenir radieux (que l’on prêche sans pudeur pour l’après Saddam) promis alors se substituera le cauchemar d’une guerre de mille ans.»(Dixit Jean Lacouture, in Verbatim III)
L’objectif des USA est, justement de fragmenter la région pour pouvoir veiller sur la sécurité de tous les Arabes tant qu’ils ne gênent pas Israël.
L’Europe acquiesce. Et l’Humanité suit, hagarde...
De quoi s’agit-il finalement ? - De ‘’la guerre des pauvres contre les riches’’ ! Ce constat est celui d’un homme politique qui était alors au fait des choses de ce monde, où l’opprimé n’a qu’une seule alternative, mourir dans le silence et la résignation. Ce constat est celui du ministre de la Défense français, Jean-Pierre Chevènement, qui dira un ‘’non’’ fier et digne (selon les apparences de l'époque en tous les cas) à la sale guerre que son pays entreprendra aux côtés, plutôt à la traîne des USA.
Point de messianisme. Il s’agit ici de simplement rappeler la tourmente arabe, la nôtre, à la mémoire des dirigeants arabes, pris dans le tourbillon de l’animosité concurrentielle entre jeunes loups en quête de victoire dérisoire sur l’ennemi. Dans cette affaire, l’ennemi est un Arabe, alors que l’allié de circonstance est l’occidental, qui voit dans l’alignement sur la politique américaine une façon de quémander sa part du butin. Mais, au fait, quel butin ? L’agonie d’un peuple, au plus profond des ténèbres d’une Humanité en déliquescence !
L’Irak a été détruit une première fois en 1991. Ce fut au nom de la légitimité internationale. Le régime de Saddam Hussein avait oublié sa leçon de bon élève du système des Nations Unis, tel que le conçoit le pays hôte du palais de verre, l’Oncle Sam. Le 16 décembre 1998, non content d’avoir laissé passer, en février 1998, l’occasion de déverser quelques autres milliers de tonnes d’explosifs sur la tête des Irakiens, Clinton et ses acolytes britanniques ordonnent de fêter la fin de l’année 1998 en illuminant de méthane le ciel de Baghdad, à trois jours du mois de Ramadan, un mois symbole de piété et de déférence devant la volonté de Dieu pour les Musulmans. Narcissiques et satisfaits de leur forfait, Les Américains, flanqués de leur ombre anglaise, chantent encore et en chœur la légitimité internationale à rétablir !
En définitive et tout simplement, Bush fils veut terminer ce qu'a tristement commencé Bush père mais avec plus de véhémence. L'Amérique du clan Bush veut en finir, dit-il, avec Saddam Hussein, ce potentat arabe qui fulmine son peuple. Le but final en fait est l'Irak qui disparaisse en tant qu'Etat. En cela, à travers cela, les USA, guerrier unique de ce 3è millénaire, s'offrent le luxe de se voir les conquérants de l'univers.
Cela à l'insu de tout le monde, y compris l'Europe en éternelle unification...