Durant les années quatre vingt du siècle passé, face à l’espace politique organisé émergeait une société de citoyens qui a pris graduellement mais sûrement conscience de son individualité et, partant, a depuis demandé à être protégée dans son être - par le respect des droits de l’Homme - et dans son statut, en revendiquant le droit au travail, à l’habitat salubre et à la santé. parallèlement, la relation de l’État à la société politique, par représentants interposés (partis politiques, syndicats, institutions électives...), devient moins opaque et les intérêts divergents légion, jusqu’à s’opposer, parfois à s’exclure, voire à se nuire mutuellement.
La lutte au pouvoir se cantonnera, cependant, et jusqu'à la fin du règne Hassan II, dans l’arène parlementaire, alors même que le discours politique des protagonistes a des relents de défis, entraînant dans son sillage la réflexion obtuse et la pensée unique. Mais, comme le pouvoir use, les différents centres de pouvoir et de contre-pouvoir ou, du moins, de pression, deviennent, sous l’influence de l’âge, de l’expérience - heureuse et malheureuse, instructive et douloureuse - plus “raisonnables”, plus conciliants et prompts au compromis. Ce qui donné lieu à cette expérience dite d'alternance consensuelle.
Au fur de cette expérience, les institutions essaient d'évoluer, s’adaptant tant bien que mal à un environnement international à la rythmique fulgurante. Et, comme dans toute société aspirant au progrès, les forces du conservatisme mènent encore - et toujours - une lutte acharnée pour qu’à chaque pas en avant il y ait évanescence des deux pas en arrière. Cycle répétitif, tenace, apportant la preuve qu'au Maroc, deux mondes s’opposeront à chaque échéance, à chaque appel au renouveau, à la liberté citoyenne et à la responsabilité face à l'Etat et aux affaires publiques.
Dans ce sillage, l’adoption de la cinquième constitution du 13 septembre 1996, le dernier processus électoral (novembre/décembre 1997) a cinglé ses volets par la composition, du parlement bicaméral marocain. Entre la première et la dernière dates, nombre de péripéties ont orné le politique national. Une bien longue traversée du désert inaugurée, le 28 février 1997, par la signature de ce qu’il a été convenu alors d’appeler la charte d’honneur liant le ministère de l’Intérieur (au nom du gouvernement) aux partis politiques engagé dans la compétition politique nationale officielle.
Parcourant sinueusement les travées politiques, dont tous les partenaires avaient juré - en ce fameux 28 février 1997- de n’en point critiquer les résultats, l'impitoyable processus électoral marocain a été, comme ses prédécesseurs de 1976-77, 1983-84, 1992-93, décrié par les uns (OADP, PPS), vomis par les autres (Parti de l’Istiqlal), intériorisé froidement, mais conséquemment, par l’USFP, accueilli avec ferveur (discrète) et gargouillements par les diverses droites(!). Heureuse sollicitude nationale, cependant, tous (les partis politiques, de gauche et de droite) ont été persévérants à en emprunter les infimes méandres, à enjamber les mille et uns détours qu’ils ont vaillamment et activement ordonnés, aspirant silencieusement à la finalité suprême à laquelle ce processus conviait : parler au nom du peuple et prétendre à gouverner en son nom.
N’est-ce pas là, en effet, l’ultime désir (la représentation et le gouvernement) de cette classe de professionnels de la politique qui, cahin-caha, parle un langage de moins en moins compris par la société. Un langage qui crie à la fraude (sous toutes ses facettes) mais qui n’a pas hésité à applaudir à épouser tous les compromis auxquels il a donné lieu !
Est-ce à dire que le politique marocain dit ce qu’il ne peut faire et fait ce qu’il ne peut dire!? Tel paraît être le langage décodable par la seule classe politique marocaine, qu'elle soit à l'intérieur où qu'elle gargouille de l’extérieur des institutions publiques.
Septembre 2002 est à nos portes. Il rappelle à tous que des engagements solennels ont été pris, par le roi, par le gouvernement et au sein du parlement. Ces engagements jurent transparence et crédibilité. Amen
Najib BENSBIA, le 13/02/2016