Le monde traverse-t-il sa dernière croisière qui bouclera la chaîne de l’Univers ? L’apocalypse n’est-elle pas dans la mise en scène d’un Hollywood miniature de la perception qu’ont les Américains de leur environnement. Et l’on est convaincu que les conflits internationaux tourneront désormais sous le même signe : la phobie terroriste. Car, en l’absence de référents contradictoires, c’est-à-dire antinomique de par leur essence idéologique, les relations mondiales sont gérés par le capital qui, pour mieux se démener à l’échelle planétaire, met à l’index ce qui ne cadre pas avec sa matrice conquérante.
En cela, la disparition du socialisme a vite fait d’être appréhendée comme la fin de la lutte entre les deux devenirs humains concurrentiels (capitalisme/ communisme) qui ont justifié tous les errements du 20è siècle clos sous le signe de l’intolérance…
La ‘’mort’’ du marxisme n’a-t-elle pas signé, pour l’idéologie capitaliste nihiliste, la fin de l’histoire qui voit dans la ‘’démocratie capitaliste’’ un mélange conceptuel incestueux dont les États-Unis sont le porte-drapeau ?
La fin de l’histoire ne s’articule-t-elle pas en l’affirmation que la démocratie libérale capitaliste est la forme politique ‘’naturelle’’ (autrement-dit accomplie), le point de non-retour de toute lutte politique (à l’échelle nationale et internationale). Pourquoi ? Parce que la ‘’démocratie du libre-échange est le système politique qui satisfait le mieux les aspirations des individus en reconnaissant leurs droits à régler leurs affaires collectives et en leur donnant le maximum de liberté pour réaliser leurs propres objectifs’’ à l’échelle humaine !
Belle escroquerie ! N’y avons-nous pas cru, nous tous larbins des théories démocratiques apprises au rythme des cours universitaires effrénés sur la démocratie et ses vertus ? Qui n’a pas, au détour d’un amphi, lu que l’égalité est le principe organisateur de la démocratie, (celle-ci étant) le régime de la pluralité des idées et des choix de société, les humains étant différents entre eux, parce qu’ils ont des identités, des histoires, des désirs, et des points de vue différents ?
Cet enseignement, qui ne nous a pas été prodigué mais qui nous assaille dans la vie internationale de tous les jours, sert de leurre à l’échelle humaine pour que le crime d’État soit formulé en acte salvateur de l’Humanité. Bien sûr, le salut ne peut venir que de la force, le crime imputé au faible qui ne peut qu’acquiescer au fait accompli. À son insu. À ses dépens.
Le cynisme est l’antidote de la vertu, elle-même en conflit permanent avec le mensonge. Les aspirations de l’Occident actuel, celui de la lutte contre le ‘’terrorisme international’’, ne sont pas celles des Arabes et, par extension naturelle, de tous les démunis de la planète. En cela, ni les Arabes ni les démunis qui parsèment l’univers ne peuvent être insérés dans le projet politique (c’est-à-dire stratégique) de la société libérale capitaliste en domination suprême aujourd’hui. Ces Arabes et ces démunis ne peuvent que la subir, tant est profond le gouffre qui sépare l’ambition hégémonique de l’un et l’errance destructrice des autres.
Noyé dans le tourbillon capitaliste, le monde arabe est de plus en plus floué dans son présent à force d’être assailli par le discours occidental. La perception qu’ont alors les reclus de l’histoire (tous ceux qui ne s’identifient pas au modèle libéral et démocratique occidental) broie la vue de l’Humanité par le prêche de l’apocalypse… si ne sont aplanies les voies de la seule référence que l’Homme se doit d’intégrer à sa foi : le sacrifice de soi pour que vive l’éclaireur des croyants : l’Imam devant l’éternel ! S’alignent alors les martyrs et autres kamikazes qui font dons de leurs corps, leur convictions étant que par cet acte, ils prétendent au salut divin.
Morale itinérante : le monde est devenu fou, à lier !
Najib BENSBIA, 14/02/2002