01 Mar
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Des amours qui tiennent bon. C'est un peu à l'image de cette métaphore que se résume l'histoire des relations franco-marocaines. Voilà plus d'un siècles que le Maroc et la France vivent l'un dans la pensée, les pensées de l'autre, tant bien que mal et vaille que vaille. 


C'est que la présence française en dehors de ses frontières, à la différence de ce que faisait le Royaume Uni dans ses colonies, n'était pas, ne fut pas que fugace et égoïste, mais qu'elle s'est traduit par la fidélisation de la notabilité marocaine à l'obédience française, par l'édification d'infrastructures dont nombre d'entre elles continuent de servir l'Etat marocain actuel et, surtout, par une culture intelligente de relations dans toutes les sphères de la décision au sommet de l'Etat et de l'entreprise économique et financière nationale.

Et puis, il y a eu cette Union Européenne, source de nos querelles permanentes avec un ensemble politique et économique qui réfléchit d'abord en interne, avant de se poser les questions objectives qui doivent, qui peuvent aider les ''amis'' au flanc sud de la Méditerranée à mieux vivre dans un monde de plus en plus compétitif, de plus en plus exclusif et de moins en moins sensible aux principes, généreux mais combien aléatoires, d'humanisme, de solidarité bénévole et de compassion. Car, disons-le tout net, le Maroc des temps modernes, à l'image de l'ensemble du Tiers-monde (bien que ce vocable ait désormais une intonation de guerre froide en perdition existentielle), a vraiment besoin que l'on comprenne ses attentes avant que l'on comptabilise ses actifs.

La France, qu'elle soit gouvernée à gauche ou à droite, si jamais ces deux positionnements ont encore quelque sens, reste un ami du Maroc. Elle est son premier partenaire économique, culturel et scientifique. La terre française reste également le premier horizon en direction duquel ont lorgné les migrants marocains, de touts types. Les idéaux révolutionnaires ou humanistes français demeurent ceux-là mêmes qui ont inspiré de nombreuses et consécutives générations d'intellectuels marocains. C'est dire que beaucoup d'espoir nous lie et peu de vicissitudes nous poussent à nous chamailler. Mais ! Il y a toujours un ''mais'', comme dans un couple condamné à vivre en commun le plus longtemps possible, les calculs se substituent peu à peu à la sereine vision du lendemain. Aujourd'hui, il est clair que quelque chose ne fonctionne pas comme il le devrait entre ces des partenaires (avec toute la générosité possible et éventuelle inhérente à cette notion). Surtout à un moment où la logique voudrait que les intérêts bien compris des uns et des autres se doive d'éclairer le champ d'action de la France et du Maroc dans ce qui les unit plutôt qu'en fonction de ce qui les sépare.

De passage au Maroc, des officiels français agissent ce témoin qui claironne le temps des alertes. Certes, celles-ci sont amicales, voire mêmes puritaines, au regard de l'analyse froide des rapports économiques mondiaux. Mais ces alertes sont explicites d'un malaise partagé entre les gouvernants marocains et français.

Le monde d'aujourd'hui est, plus que jamais, gouverné par des termes de plus value, de gains rapides et de ratios pécuniaires. La France oublie cependant que le Maroc se sent comme floué par une Europe qui devient de plus en plus hermétique, depuis qu'elle veut vivre en regardant vers son centre. La France, parce qu'elle est ce deuxième levier (avec l'Allemagne) sans lequel l'Union Européenne ne peut fonctionner, a comme une responsabilité à garder le Maroc dans l'horizon européen.

Rabat, parce qu'elle a, à un moment donné de sa traversée universelle, a eu un sérieux doute sur ces bonnes et vieilles amitiés, cherché à respirer sous d'autre cieux, ou du moins l'a-t-elle symbolisé dans un projet presque altruiste, sait, cependant que c'est en Europe Unie qu'elle respirerait le mieux si, de Paris à Madrid, on la regarde comme elle est, la capitale d'un grand pays avec lequel on peut compter sur des engagements solides, résolus et fiables.

De cela, la France doit être convaincue. Le Maroc ne trahit jamais ses amis, à condition qu'il ne soit pas laissé pour compte... Quand il détourne le regard en quête d’espaces plus accueillants, il le fait avec la certitude du compagnon qui n’a plus d’autre choix. Et, même dans ces détours, faits par dépit pour nombre de raisons, tout autant personnelles que dictées par une conjoncture mondiale qui impose réalisme et efficacité qu’autre chose, Le Maroc reste vigilant. Bien sûr, vus de Paris, de Londres ou d’ailleurs, ces détours inquiètent. Mais ces inquiétudes sont-elles vraiment réelles, ont-elles la sagesse des faits têtus ? Rien ne permet de le dire. Bien au contraire.

Alors, en toute amitié, regardons-nous dans ce qui fait la témérité de nos parcours complémentaires. En cela, toute inquiétude sera dissipée par la force des intérêts évidents à partager. Rabat, vue de Paris, peut sembler grincheuse par certains égards. Mais Paris, vue de Rabat, semble plus distraite à étirer les chances d’ancrer le Maroc dans l’idéal européen. Pour cela, il faut lever bien des équivoques. Notamment le large pied de l’Espagne au sein de l’ensemble européen. Sans quoi, Washington peut paraître plus proche que ne le pense le plus généreux des investisseurs français… 

Najib BENSBIA, 17/01/2003

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