Le monde serait-il devenu fou ? A voir les vagues déferlantes de xénophobie, de racisme, de rejet de l’Autre, l’Univers des Hommes est à bannir à l’éternité. Un peu partout en Europe, on assiste à un complot contre l’Étranger. N’ayons pas peur des mots. Les politiques de bas étage exacerbent ce qui est animal en nous, l’instinct de briser ce qui n’est pas nous à l’état brut, à l’état primaire. Aux USA, un pugiliste est en phase de devenir Président de l’hyperpuissance. En France, les candidats croient pouvoir gagner l’élection présidentielle de 2017 en s’attaquant au maillon faible, l’émigré. Et la liste s’allonge à l’envi.
Nous assistons confortablement, en effet, à un complot ourdi par les politiques de tous acabits contre la tolérance, l’acceptation de la différence, la jouissance de savoir qu’on ne finit jamais d’apprendre. Et de l’Autre, nous apprenons chaque jour davantage aux plans culturel, humain, civilisationnel… Exciter l’instinct chauvin des citoyens est devenu une recette électorale. Haro sur l’Etranger, et voilà que la foule délire, histoire de croire qu’il est la source du mal qui surplombe notre quotidien !
Aux USA, Donald Trump, ce Président venu de la galaxie pugiliste, harangue les foules, en aiguisant leur peur d’être submergés par des hordes qui vont bouffer leur pain, prendre leur travail et appauvrir leur train de vie. L’émigré qu’il est (Trump, bien sûr) a pris pour cibles les migrants latinos. Et, pour faire diversion, interdit aux musulmans de venir dans »son » pays, parce qu’ils seraient forcément tous terroristes. Il crie à l’autoritarisme, les foules suivent, hébétées, goguenardes, amnésiques. Pourtant, les Américains sont tous des émigrés !
En France, les politiques français, au pique de leur désenchantement, ont trouvé en l’émigré (binational ou non) la clé de regain de notoriété. Ils ont bouclé le territoire, travesti l’exception en mode de gouvernance et la violation des domiciles des émigrés en manne de bonne conscience politicarde.
Ailleurs en Europe, de minuscules partis fascisants reprennent du poil de la bête. Ils échafaudent des guides-emploi contre l’étranger pour seul programme politique à court terme. Les foules, abêties, suivent la tête du troupeau, parce que la mal-vie qui les taraude depuis 2008 (crise économique et financière) a fait vaciller toutes leurs certitudes. Le train de la haine, du rejet et de l’adversité les embraque, wagon par wagon, à l’infini.
Tout ce monde a oublié que c’est par là qu’est entré un Hitler d’amer souvenir. Qu’à travers cette fenêtre, un Mussolini a pris les rênes de l’Etat italien et étouffé toutes les libertés. Que, grâce à la folie nationaliste, des apprentis totalitaires ont gouverné, des décennies durant, la majeure partie des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.
L’Humanité est entrain de nourrir le foyer des nouveaux fascistes à l’échelle américano-européenne, avant que le reste du monde ne se recroqueville sur lui-même, pour finalement enfanter une nouvelle ère de guerres sans fin, de ‘’décitoyennisation’’ des peuples et de déshumanisation universelle. Il est donc aujourd’hui acquis, qu’à force de tirer sur la corde du nationalisme ambigu et étroit, le monde courra à sa déflagration certaine à l’échelle mondiale.
Pourtant, il doit être clair que la fermeture des frontières de manière hermétique n’est pas viable. Il doit être limpide que la crise globale sous l’empreinte de laquelle vivent les Etats ne peut trouver sa solution dans les attrapes-faibles de la chaîne nationale. Il doit être plus intelligent de comprendre qu’une fois l’étranger chassé, les vrais problèmes détruiront comme un château de paille l’ensemble du système qui a enfanté la politique des faux semblants aveuglant actuellement les gouvernements de triste envergure.
Des pays l’ont compris. Ils se rendent-compte que le vrai problème n’est pas l’étranger, l’émigré, l’Autre. Le vrai problème est dans le modèle économique et financer qu’ils ont choisi. Ils essaieront – du moins l’espère-t-on – de corriger l’angle de tir.
La Suisse est le premier pays dont les citoyens ont dit NON à l’amalgame, à la politique ‘’du mal c’est l’autre’’. Que cela éveille – que cela réveille – le reste des peuples d’Europe. Car, s’ils mettent aux commandes ces petits fascistes qui se nourrissent de la peur de l’incertitude, demain ces peuples verront leur liberté, leur citoyenneté, leur libre arbitre ferraillés par la chenille du nouveau totalitarisme, qui se dessine lentement mais sûrement, et dont les prémisses sont là, criantes, assourdissantes. La guerre totale entre par ce bruissement des idées avant la déferlante des bottes !
A ce rytme, le monde repartira pour une longue période d’intolérance. Il sera le théâtre de nouvelles déflagrations guerrières dont on cerne mal l’ampleur, la portée et la durée.
Najib BENSBIA