Entre le Maroc et les Etats Unis d’Amérique existe-t-il réellement une alliance stratégique ? C’est en tous les cas ce qu’a voulu faire croire le Secrétaire d’Etat-adjoint américain, M. Peter Rodman, en visite officielle au Maroc mardi 28 janvier 2003, surtout que cet officiel américain est, de par sa fonction foncière, le principal conseiller du Secrétaire d’Etat américain en matière d’élaboration et de Coordination de la stratégie et de la politique de la sécurité internationale. Il sait donc exactement de quoi cela retourne quand il évalue les relations maroco-américaines, surtout vues à l’aune de leur périodicité dans le contexte maghrébin.
Pourtant, à regarder de plus près ces relations, caractérisées par des hauts et des bas donnant le tournis au meilleur stratège mondial, il y a lieu de jaser. Car, non seulement la stratégie américaine des relations internationales semble vaciller entre la carotte et le bâton, pis, ou mieux cela dépend, pour ce qui est du Maroc, c’est plutôt le bâton qui est généralement brandi, même lorsque le apparences font croire que c’est la realpolitics qui gouverne les rapports des USA à ses amis.
De toutes les façons, au regard de la nature de la donne mondiale actuelle, il est naïf de mettre sur le compte d’intentions stratégiques les déclarations officielles des responsables américains, obnubilés qu’ils sont désormais dans leur cavalcade contre le terrorisme international, d’un côté, et dans leur manie à vouloir obligatoirement disloquer le régime irakien de Saddam Hussein, d’un autre côté.
Mais il y a tout de même quelque chose de crédible dans les propos de M. Rodman, surtout quand il situe dans l’Histoire les relations maroco-américaines, en comparaison des tractations géo-militaires que cultivent les Américains à l’égard de l’Algérie d’aujourd’hui. En supposant que le responsable américain de la sécurité internationale dise toute la vérité, il y a une dynamique qui identifie le regard américain posé sur Alger et les yeux doux qu’il appose sur Rabat. Dans la logique de M. Rodman, il n’y a pas lieu de s’inquiéter des prestations américaines à l’égard de notre remuant voisin du nord-est puisque, de toutes les manières, Washington sait que Rabat est un plus vieil ami qu’Alger ! Quid donc de la sémantique de cette alliance stratégique que nous explique le principal responsable américain du Conseil national de la sécurité.
Il faut dire que la conjoncture internationale du Maroc pousse à croire, qu’effectivement, entre les USA et le Maroc il existe un compromis de bonne intelligence, que ce soit en matière économique et financière (projet de zone de libre échange), ou dans le domaine de la lutte anti-terroriste (collaboration étroite et sans relâche entre les services de sécurité des deux pays, notamment via Al Qaîda) ou encore, par les temps qui courent, l’alimentation d’une tension presque amicale entre Rabat et Bruxelles et entre celle-ci et Washington… Il y a de quoi alimenter mille et un commentaires d’officiels européens, telles les déclarations intempestives du ministre délégué français chargé du Commerce, qui n’a pas hésité à mettre en garde le Maroc dans sa chevauchée pro-américaine.
Malgré tout cela, ou disons à l’insu de tout cela, de quelle alliance stratégique parler, quand on approche la réalité intrinsèque commandant à la vision américaine du monde ? Si l’on regarde le domaine de la coopération militaire liant le Maroc aux USA, les quelques cinq milliards de dollars d’aide équivalent à un cri dans le désert, tant les besoins stratégiques marocains en matière de lutte sont pluriels contre les divers dangers qui guettent la sécurité et la stabilité nationale, allant du maintien de l’équilibre régional, en passant par la stabilisation du front intérieur et atterrissant dans l’engrenage de la croisade contre le terrorisme d’où qu’il vienne, mais surtout celui qui fait peur aux Américains jusqu’au plus profond de leur intimité.
L’alliance stratégique dont parle M. Rodman, si tel est le credo sur lequel tance la stratégie mondiale américaine, doit dicter à Washington une meilleure aptitude à assister sérieusement Rabat, notamment en matière militaire et économique. Les échanges dans ce dernier domaine entre les deux pays ne méritent même pas la référence. Rabat, Washington le sait, est pourtant le meilleur garant de la sécurité régionale vue dans l’optique géostratégique mondiale telle qu’elle se dessine aujourd’hui. Aux plans culturel et politique, le Maroc s’inscrit dans le standing international méritant encouragement et soutien. L’alliance stratégique à laquelle se réfère M. Rodman doit ainsi s’inscrire en aval de ces données objectives, qui militent en faveur d’une réelle bonne disposition américaine à défendre les intérêts positifs du Maroc, tant en ce qui concerne son unité territoriale que son leadership politique régional. Parce que de ceux-ci dépend la perdurance de la quiétude américaine dans la région euro-méditerranéenne. Et de ceci seulement.
En conséquence, il faut rompre avec cette laconique habitude sémantique qui fait dire aux Américains, et aux Marocains par ailleurs, lors d’occasions cycliques, ce que la réalité ne traduit pas. Une alliance stratégique maroco-américaine doit pouvoir se traduire dans les faits, vérifiables et concrets. Dans le militaire, bien sûr, mais aussi dans le politique à l’échelle des repositionnements actuels des USA, au regard des grands défis qui s’imposent à l’Humanité.
En dehors de cela, ce que peut dire M. Rodman ou autres concitoyens du responsable américain de la sécurité internationale auront la valeur de tout référent altruiste de bonne courtoisie, et seulement cela...
Najib BENSBIA, 27/08/2008